Corbeaux
orbeaux, corneilles et choucas sont les petites gueules criardes du monde connu. Ils sont des oracles insistants, insultants et indésirables, sentant nécessaire de partager leur don de vision à toute créature capable de les écouter. Ils déblatèrent à tout va; prodiguant augures, conjectures et promesses futures sans que personne ne le leur ait rien demandé. Si leurs prévisions sont justes, elles sont aussi maladroites, imparfaites et souvent portées sur les petites affaires privées de leur clients involontaires.
Les volatiles sont fuis et méprisés. On les chasse des cités et ils se rabattent sur les voyageurs et les villages isolés qui ne peuvent se permettre la solde d’un chasseur de corneilles. Les divinations injurieuses des oiseaux noirs ont brisé des familles et entaché des amitiés profondes; des froides montagnes du Scalderovian à la pointe de la Vilisie.
De hameau en hameau se transmet l’histoire d’un meurtre de corbeaux qui traversa un bourg de la côte, le nappant d’un voile noir d’infortune. Le lendemain, le village n’était plus que l’ombre de lui-même : des habitants disparus, certains retrouvés sur une barque au milieu de la mer, d’aucuns ivres morts, d’autres, les mains rougies de sang, pleurant par-dessus des cadavres encore chauds.